E.L.A.

En quoi consiste exactement le rôle de E.L.A. (Education Leadership Advisor) que j’occupe, pour un an, au district de Nyagatare?

Lundi 21 janvier, après l'atelier donné à l'équipe de professeurs et au directeur de l'école Rutaraka, dans le district de Nyagatare.

Après un atelier, photo de groupe avec les professeurs et le directeur de l’école rurale Rutaraka, dans le district de Nyagatare, le lundi 21 janvier 2013.

Certains d’entre vous m’ont récemment posé la question, et je suis heureux de répondre ici. Le calendrier des trois dernières semaines illustrant assez bien les différentes facettes du poste et la grande variété des activités d’un « ELA » au quotidien.

Avant de commencer cependant, un court préambule afin de mettre en lumière deux facteurs qui sont, selon moi, essentiels dans la dynamique complexe de la coopération internationale dans le domaine de l’éducation.

En dehors des enjeux budgétaires, des contrats ou des ententes qui existent entre les institutions locales, les ONG et les bénévoles qui travaillent dans les écoles et sur le terrain, la toute première tâche d’un coopérant est de gagner – et de garder! – la confiance des membres de la communauté dans laquelle il travaille.

Une fois la relation de confiance installée (et cela peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois), le travail, en commun, peut vraiment commencer.

Lundi 14 janvier. Réunion regroupant la majorité des directeurs d'école du district. À l'agenda: le plan pédagogique des écoles pour la nouvelle année scolaire.

Lundi 14 janvier. Réunion regroupant la majorité des directeurs d’école du district. À l’agenda: le plan pédagogique des écoles pour la nouvelle année scolaire.

Il y a ensuite pour chaque coopérant une question de contexte liée aux événements et à l’histoire particulière de la communauté dans laquelle il oeuvre.

Prenons un peu de recul pour mieux comprendre le contexte dans lequel je travaille à Nyagatare.

La période coloniale (qui a pris fin en 1962) a laissé au Rwanda des souvenirs douloureux, amers. De nombreux habitants ont gardé en mémoire les traitements souvent humiliants que certains colons belges ou français infligeaient à la population.

Ce n’est donc pas une mince affaire (même 50 ans après l’indépendance) pour un directeur d’école (souvent lui-même dans la cinquantaine) de prendre le téléphone et d’inviter de son plein gré un « umuzungu » (un étranger) à venir travailler et à le conseiller dans son établissement.

La mémoire des peuples qui ont été colonisés et opprimés est longue…

Voilà pour le contexte, et fin du préambule.

Que fait donc au jour le jour un ELA?

Coup d’œil dans le rétroviseur des activités des trois dernières semaines…

Réunion longuement planifiée le 14 janvier regroupant près d’une centaine de directeurs d’école et de chefs de secteur du district de Nyagatare.

Un des objectifs de la rencontre est d’informer les chefs d’établissement que chaque école doit désormais développer et soumettre au district un plan pédagogique et stratégique pour l’année scolaire 2013.

Ce plan doit obligatoirement contenir et refléter les idées, suggestions et recommandations de chacune des composantes de la communauté scolaire: les enseignants, les parents et les élèves.

En chemise bleue, devant les chefs d’établissements du district de Nyagatare, dans la province de l’est, au Rwanda, en janvier 2013.

Il s’agit donc pour les directeurs en ce début d’année scolaire d’organiser assez rapidement des réunions, de donner la parole aux enseignants, aux parents, aux élèves, et d’inclure leurs idées, revendications et priorités dans le plan pédagogique de l’école pour les dix prochains mois, et au-delà.

Timides applaudissements à la fin de mon long exposé. La requête semble recueillir l’assentiment de la majorité des chefs d’établissement. Mais il y a un peu d’inquiétude dans l’air. Les écoles de Nyagatare n’ont jamais eu jusqu’à présent à soumettre au district un plan pédagogique. Pourquoi ce changement?

Il faut donc expliquer, convaincre, répondre aux nombreuses questions et confirmer que je suis prêt dans les prochains jours à aller aux quatre coins du district rencontrer les équipes scolaires et les aider à construire un plan. Soulagement perceptible dans l’assemblée.

Quelques heures plus tard, le téléphone sonne. Un directeur d’école, puis un autre, m’invitent dans leur établissement afin d’animer un atelier avec leurs enseignants dans le but de bâtir avec eux un plan pédagogique pour 2013.

La partie est presque gagnée!

Mercredi 23 janvier. Atelier dans la petite école rurale de Burumba.

Le mercredi 23 janvier. Atelier dans la petite école rurale de Burumba.

DSC02698 (2)

Professeurs au travail à Burumba

Professeurs au travail à Burumba

DSC02702 (2)

Après 90 minutes de travail, le directeur, Théoneste (assis, au centre, en chemise blanche) et ses enseignants ont maintenant un plan pédagogique pour l'année scolaire....

Après 90 minutes de travail, le directeur, Théoneste (assis, au centre, en chemise blanche) et ses enseignants ont maintenant un plan pédagogique pour l’année scolaire….

Cela a été une belle aventure de travailler cette semaine avec deux équipes scolaires du district – à Rutaraka et à Burumba – en anglais et en français, puisqu’à Burumba par exemple trois professeurs sur sept ont préféré s’exprimer au cours de l’atelier dans la langue de Senghor et de Molière.

Même exercice la semaine prochaine, dans deux écoles secondaires cette fois, dans les secteurs de Rwempasha et de Kiyombe, avec des équipes scolaires beaucoup plus importantes, composées de 30 et 32 enseignants. Ai bien hâte de travailler avec eux et avec leurs chefs d’établissement…

Sur les routes du district, en compagnie de Modeste, fonctionnaire au REB, et d'Alexis, notre chauffeur...

Sur les routes du district, en compagnie de Modeste, fonctionnaire au REB, et d’Alexis, notre chauffeur…

Autre aventure vécue le 17 et le 18 janvier – une tournée éclair en véhicule tout terrain effectuée dans 8 des 14 secteurs du district afin de vérifier avec un fonctionnaire du REB (Rwanda Education Board) la présence et le travail dans les écoles des English mentors – des professeurs anglophones, expérimentés, Ougandais, Tanzaniens ou Kenyans pour la plupart, engagés à prix d’or pour cinq ans par le Ministère de l’Éducation dans le but de soutenir les professeurs rwandais dans leur enseignement en anglais.

ela17

Nous avons pendant deux jours sillonné les routes, visité une douzaine d’écoles et couvert environ 300 kilomètres dans les secteurs les plus reculés du district: Kiyombe, Gatunda, Tabagwe, Rwimiyaga, Musheri, Karangazi, Matimba…

Sur les routes du district de Nyagatare... Ici en direction du secteur de Matimba...

Sur les routes du district de Nyagatare… Ici en direction du secteur de Matimba…

Fin de journée dans le secteur de Musheri et, ci-dessous, le lendemain, une des rues principales du secteur de Rwwimiyaga.

Fin de journée dans le secteur de Musheri et, ci-dessous, le lendemain, une des rues principales du secteur de Rwimiyaga.

road1

Résultat inattendu de notre tournée: sur une douzaine de mentors visités… quatre étaient absents des écoles, pour des raisons souvent obscures…

Tous ces mentors absents sans raison valable recevront du REB dans les prochains jours une lette de blâme et un avertissement. Une seconde absence non justifiée provoquera leur renvoi pur et simple et la fin de leur contrat de travail au Rwanda. On ne badine pas avec  les directives du Ministère de l’Éducation à Kigali.

À la recherche des mentors... et à la rencontre des élèves du district.... Ici, dans le secteur de Matimba... et ci-dessous, dans le secteur de Tabagwe...

À la recherche des mentors… et à la rencontre des élèves du district…. Ici, dans le secteur de Matimba… et ci-dessous, dans le secteur de Tabagwe…

DSC02609 (2)

Notre tournée d’inspection a eu un effet immédiat. J’ai convoqué quelques jours plus tard, le mardi 22 janvier, ces mêmes mentors à une réunion de travail et, surprise, 16 des 18 mentors déployés dans le district étaient présents…

Mardi 22 janvier. Réunion de travail avec les mentors - tous originaires de l'Ouganda...

Mardi 22 janvier. Réunion de travail avec les mentors – tous originaires de l’Ouganda…

Rencontrer ces enseignants chevronnés (lorsqu’ils répondent à l’appel) est un grand privilège. C’est aussi pour moi une belle surprise. Je ne m’attendais pas à travailler au Rwanda avec des professeurs ougandais. La présence de ces mentors dans les écoles rwandaises symbolise aussi les efforts de coopération entre deux pays voisins du Sud.

n3 - jan 2013

Session informelle de travail en compagnie deux « mentors » recrutés de l’Ouganda (à gauche) et de la Tanzanie (à droite). Janvier 2013.

Avant de conclure, un dernier événement auquel j’ai été associé ce mois-ci, comme témoin… et une devinette.

Que font exactement ces individus dans la cour de l’école secondaire GS Nyagatare?

ela4

Ils signent chacun un contrat pour 2013 confirmant leur rôle de coordonnateur et de formateur dans un programme d’alphabétisation pour adultes.

Ce programme est subventionné par ADRA, une ONG danoise dont je tiens à saluer ici le travail remarquable. Solidement ancrée dans le district de Nyagatare, ADRA a comme objectif principal d’aphabétiser et de scolariser les adultes les plus vulnérables de la région.

Ce sont les employés d’ADRA (tous Rwandais) qui supervisent et forment ces coordonnateurs… qui doivent souvent parcourir de longues distances afin de rejoindre des villages presque inaccessibles et enseigner à lire et à écrire aux adultes les plus démunis de la communauté…

Pour les récompenser et les encourager dans leur travail, ADRA leur a réservé en ce début d’année une surprise… Chacun des formateurs aura droit pour 2013… à une bicyclette… ce qui facilitera leurs nombreux déplacements sur les routes du district.

Un à un, les formateurs vont fièrement chercher leur bicyclette toute neuve...

Un à un, les formateurs vont fièrement chercher leur bicyclette toute neuve…

Les vrais héros et le visage du changement et de la solidarité au Rwanda, ce sont eux: les formateurs en alphabétisation des adultes.

Les vrais héros et le visage du changement et de la solidarité au Rwanda, ce sont eux: les formateurs/trices en alphabétisation des adultes dans le district de Nyagatare

Voilà. Le tour d’horizon des trois dernières semaines d’un E.L.A. tire à sa fin.

Je reviendrai dans les prochains articles – promis! – aux facettes plus… « exotiques » de la vie quotidienne d’un coopérant étranger au Rwanda…

Un dernier mot avant de terminer. Je suis plongé depuis plusieurs semaines dans un livre admirable de Sénèque, « De la tranquillité de l’âme » (Folio ou Bibliothèque de la Pléiade). À lire absolument.

Publicité

8 réflexions sur “E.L.A.

  1. Bonjour Max,
    Félicitations pour ce merveilleux projet. Cela doit te donner une grande satisfaction de voir les écoles qui veulent s’impliquer et de les voir évoluer. Ton sourire sur les photos montre bien ta joie!

    • Merci, Nancy! Je commence vendredi le 6è mois de mon contrat au Rwanda. Certaines choses dans les écoles et au niveau du district commencent à bouger. Tant mieux!

  2. Dear Max,
    A very healthy process for any kind of community, organization, relationships. It is a process of change: evaluate what we have, what we need, which direction to take and to hear the voices of each person in the community. It will promote change where needed, perhaps improve and build in hope and success despite the struggles which are also part of the process. Keep building a strong foundation for the district!

  3. Dear Max,
    i really enjoy reading your blog. It shows me the great variety of work that you are doing with your many talents, skills and kind way of being with people. I feel like I live vicariously through your experiences, the food, the places where you walk and go, the people you meet, the daily life of Nyagatare. I am learning so much about Rwanda 2013…it reminds me of the African place where I worked and traveled to after my retirement…My son now has been an OBGYN for 6 years (like your father); my daughter is a naturopath…I am ready for another mission, God willing…thank you for your insights and INSPIRATION…Your rural pictures take me back to my childhood since I grew up on a farm in Germany and the Fraser Valley. Can’t wait for you to return so we can go eat African food again, my favourite being chicken with peanut sauce!

    • Thank you, Trudy! I do remember the beautiful photographs from your experience working in Mali (there is a lot going on in the north of Mali right now)… Where are you thinking of volunteering next?… I look forward to our next African meal together – and thank you for supporting D while I am away! See you soon.

  4. Thank once again for the work you doing in schools continue, we are really proud of your work and Daniel as well

    Martin

    Sent from my iPhone

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s